Christophe Dominici : "Ce qu'on mérite"
Encore marqué par l’élimination en demi-finale, Christophe Dominici gardera un goût amer de cette Coupe du monde. Passé du statut de titulaire à celui de remplaçant, il tire un constat d’échec et exprime sa colère.
Christophe Dominici, comment abordez-vous ce match pour la troisième place ?
Il s’agit de quitter cette compétition sur une note positive. Nous allons affronter une équipe qui a réussi sa Coupe du monde. C’est un match qui se gagnera aux tripes. Nous sommes évidemment déçus de ne pas être en finale mais nous devons nous comporter en grands champions.
Avez-vous eu l’impression de jouer, tout au long de cette compétition, un rôle auprès des Français ?
Les gens vont mal, la France ne va pas bien. Les Français se sont identifiés et ont soutenu cette équipe. On se rend compte aujourd’hui que c’est un échec. Tout le monde retombe dans son quotidien.
Cette Coupe du monde est-elle véritablement un échec ?
Bien sûr. Quand on a la chance de jouer une Coupe du monde en France, on la joue à fond et pour aller au bout. Ce ne sera pas le cas.
Vous êtes le seul titulaire du premier match de Bernard Laporte (ndlr : pays de Galles – France le 5 février 2000) encore présent contre l’Argentine. Qu’est-ce que cela évoque pour vous ?
(Agacé) C’est parce que ce doit être mon ami. Vous n’avez qu’à écrire cela. Ce n’est pas le moment de dresser un constat. Nous avons fait beaucoup de route ensemble mais j’ai pris beaucoup de coups. C’était peut-être mon destin. On a souvent ce qu’on mérite.
« Il nous manquait ce petit truc en plus »
Comment avez-vous vécu votre statut de remplaçant pendant cette Coupe du monde ?
Je l’ai vécu comme un joueur qui avait le privilège d’être dans les 22. Je n’ai pas eu plus d’explications que les autres sur mon statut. Je n’ai pas demandé ces explications. J’ai essayé d’être un remplaçant, de jouer mon rôle.
On a l’impression que vous êtes malheureux…
Certains ont joué le premier match et on ne les a plus jamais revus. Croyez-moi, eux sont beaucoup plus malheureux et à plaindre que moi. Je pense à eux. Nous étions 30 dans la même situation.
On vous sent énervé. Contre qui ou contre quoi ?
Ce serait facile de critiquer ou de mettre la faute sur les autres. L’autocritique, on la fera après. Collectivement, je n’ai pas grand-chose à dire. Je ne peux parler que de mon cas pour l’instant. J’ai trop de respect pour les 30 bonhommes de ce groupe pour parler.
Faut-il chercher des fautifs ?
(Il coupe) Les premiers fautifs, ce sont les joueurs. Il faut avoir de grands hommes pour aller au bout. Après l’Argentine, nous étions des flans, nous étions nuls. Après les Blacks, nous étions champions du monde. Je crois que tout le monde est fautif. Vous dans vos questions et vos écrits. Nous, dans notre comportement. Tout le monde a une part de responsabilité dans cet échec. C’est très français de passer de la déception et la frustration de France – Argentine à l’euphorie totale des quarts de finale.
Le groupe a-t-il manqué, à un moment, de révolte ou de force de caractère ?
Il aurait peut-être fallu être plus en révolte. Mais c’est trop tard. Pour moi, la France ne méritait pas d’aller en finale. Quelquefois, les meilleurs ne sont pas au bout. Sinon, les All Blacks gagneraient toutes les Coupes du monde. Ce sont les grands hommes qui sont au bout. Il nous manquait ce petit truc qui fait qu’au final, on n’a jamais gagné. Si on veut la gagner, il faut changer les choses et le système.
« La victoire comme la défaite sont deux mensonges »
Pourtant tout semblait réuni pour aller au bout avec une bonne préparation et des matchs amicaux réussis…
Ce groupe avait le potentiel pour faire mieux. Je le répète, ce sont les grands hommes qui font une équipe et les résultats. L’un ne va pas sans l’autre. J’insiste également sur les matchs « amicaux ». J’en connais beaucoup des champions du monde des matchs amicaux. Les Anglais ont perdu leurs deux matchs contre nous au mois d’août. Et alors ? Ils sont où maintenant ?
L’exploit contre la Nouvelle-Zélande ne va-t-il pas cacher une fois de plus les lacunes françaises ?
Vous me demandez si c’est mieux d’avoir battu les Blacks ? Bien sûr. Quelle joie et quelle émotion ! C’est toujours mieux d’aller en demi-finale que de tomber en quart. Maintenant, le match le plus important de la compétition, nous l’avons perdu. Celui-là, il ne fallait pas le perdre. Et puis vous savez, les choses n’ont pas été différentes parce que nous avons battu les Blacks. La victoire comme la défaite sont deux mensonges.
Êtes-vous en colère ?
Oui je suis en colère. Contre moi-même. Je me reproche de ne pas avoir été au bout de la compétition. Mais cette colère, elle sera positive. Je ne peux m’en prendre qu’à moi-même. Je n’aurai jamais ce privilège d’être champion du monde. Mais j’ai beaucoup plus de forces que nous ne pouvez l’imaginer. On ne m’a fait aucun cadeau. Si je dois quelque chose, je ne le dois qu’à moi-même.
Votre plus beau match en Coupe du monde restera finalement cette demi-finale contre la Nouvelle-Zélande en 1999…
Je ne sais pas. (Enervé) C’est peut-être mon match contre la Géorgie qui restera. On a remis en cause beaucoup de sélections. Il fallait que je réalise un grand match contre la Géorgie pour être encore en course. (Tout en se levant et en mettant un terme à l’entretien) Il a fallu ce match pour que l’on s’aperçoive que Domi avait encore des cannes…
Propos recueillis par Eric Camacho, www.lesiterugby.com
Jeu 18 Oct - 18:25